Mi sueño familiar
Sueño a menudo el sueño sencillo y penetrante
De una mujer ignota que adoro y que me adora,
Que, siendo igual, es siempre distinta a cada hora
Y que las huellas sigue de mi existencia errante.
Se vuelve transparente mi corazón sangrante
Para ella, que comprende lo que mi mente añora;
Ella me enjuga el llanto del alma cuando llora
Y lo perdona todo con su sonrisa amante.
¿Es morena ardorosa? ¿Frágil rubia? Lo ignoro.
¿Su nombre? Lo imagino por lo blando y sonoro,
El de virgen de aquellas que adorando murieron.
Como el de las estatuas es su mirar de suave
Y tienen los acordes de su voz, lenta y grave,
Un eco de las voces queridas que se fueron.
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine, (Francia 1844- 1896)Poèmes saturniens, 1866.
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